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Le design est à l'écoute

Avril 2023
Démarche designLe design ?Réflexion

Un « bon design » démarre d’abord, et avant tout, par une véritable capacité à collecter, trier et analyser des informations… d’où l’importance pour un designer d’être à l’écoute. Retrouvez ici notre troisième article de la série dédié à ce que nous estimons être les piliers fondamentaux de la démarche design.

Pour commencer, précisons que le designer n’est pas un magicien. 
Outre la possibilité d’existence de phénomènes pour lesquels la science et/ou la raison n’aurait pas encore d’explication, on sait qu’il y a un « truc ». Dans une démarche de conception créative où l’on tente d’apporter une solution innovante à une problématique, il en est de même : il n’y a pas de secret. Les « idées de génie » (concept cher à Philippe Ginestet) ne sont pas nées du hasard. Il n’y a pas de révélation qui tombe du ciel par la grâce du Saint-Esprit. Il serait un raccourci, bien trop facile, que de penser le designer capable de résoudre vos problèmes d’un simple coup de crayon magique, ou grâce à sa panoplie de logiciel ; quand bien même, il soit talentueux.

Même à l’heure de l’Intelligence Artificielle tant plébiscitée et donnant l’impression qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour avoir des réponses à ses questions, il est opportun de souligner que la pertinence de la réponse est, que bien souvent, corrélée à la qualité du questionnement. Et c’est de cette démarche que naît la pertinence des réponses du designer : un gros travail de préparation et une culture raisonnée permettant une récolte d’idées pouvant devenir fructueuse par sa vigilance à savoir écouter et poser (se poser) les bonnes questions.

Une bonne question a plus d’importance que la réponse la plus brillante
Louis Kahn

Être à l’écoute et faire preuve d’empathie

La démarche design vise à découvrir au mieux ses utilisateurs, au sens large du terme, qu'ils soient finaux ou simples acteurs d'une étape du cycle de vie du produit / service / processus ; sans présupposer les connaître ; par la recherche et la découverte de leurs besoins, au travers d’observation, d’étude, atelier, … Être à l'écoute va bien au-delà de simplement entendre les besoins du client ou de l'utilisateur. Il s’agit de collecter le maximum d’informations, quantitativement et qualitativement, pour les analyser et en extraire des conclusions permettant de prendre des décisions. Une démarche, pour ainsi dire, scientifique, parfois un peu trop si on en écoute trop certains, mais surtout empreinte d’empathie pour comprendre leurs émotions, leurs aspirations et leurs défis.

La démarche semble logique : en étudiant l’utilisateur et en mettant l'accent sur la satisfaction et le bien-être de celui-ci, on arrive à une réponse cohérente.

Oui mais … à trop écouter les utilisateurs, il est possible de rencontrer certains écueils.

Paradoxalement, l’être humain possède une telle faculté d’adaptation qu’il en découle une réelle capacité, étonnante, à s’habituer aux choses du quotidien… parfois même les pires, les plus énervantes ou dérangeantes. De ce fait, il n’y a rien de pire que l’ordinaire du quotidien et de l’habitude.

L'accoutumanceou toléranceest un processus d'adaptation de l'organisme à un stimulus extérieur, un environnement nouveau ou même un produit toxique. Cette accoutumance se manifeste par un affaiblissement ou même un épuisement de la réponse à ce stimulus à mesure que l'organisme y est confronté. Cette diminution de la réponse implique nécessairement une capacité plus grande à supporter les effets du stimulus et la possibilité potentielle d'augmenter le stimulus afin de recréer les mêmes effets qu'à la première confrontation.

L’expertise du designer est d’être attentif à tous les signaux, de les ressentir et tenter de les améliorer sans vouloir systématiquement avoir un retour mesurable et mesuré pour chacun. Penser que les utilisateurs sont forcément la clé du problème, c’est omettre que, parfois, ils peuvent en être la source !

Cultiver son sens de l’observation

S'il n'est pas magicien, le designer n'est pas non plus un devin. Il ne vous pas prédira pas le futur en lisant dans vos lignes de la main, ni le marc de café, ou encore, en jetant des osselets … Par contre, le designer a, somme toute, un instinct, cultivé par son expérience, sa curiosité, son sens de l’observation, qui lui permettent d’avoir des pressentiments, d’émettre des hypothèses par rapport à une idée. Combiner avec une faculté à interroger le monde avec l’œil et la naïveté d’un enfant de 4 ans, ce qui peut parfois être agaçant, il ne fait qu’enrichir un raisonnement pour mieux comprendre la problématique.

Le fameux « Eurêka ! » (J’ai trouvé) d’Archimède n’est pas le fruit d’une idée en l’air, passée par là par hasard et attrapé au vol. L’idée vient de son sens de l’observation : constater l’eau déborder de la baignoire en s’immergeant dedans. De cette observation anecdotique, lui est venue l’idée de pouvoir mesurer le volume d’un objet complexe et élaborer la notion de masse volumique.

Dans ce cas, l’enfer de l’information ordinaire aurait été de constater, qu’une fois de plus, l’eau avait débordé, sans se poser la question du pourquoi.
 

Besoins vs solutions

Écouter attentivement les utilisateurs permet de comprendre leurs besoins, leurs désirs et leurs attentes ; ce qui permet d’identifier leur problème et établir à quoi pourrait répondre le produit, le service ou la solution. Les besoins ne sont pas exprimés par une solution ; il n’est pas précisé comment le problème doit être résolu. Ils doivent juste être défini par l’état recherché ou requis face à une situation donnée.

Il peut s’agir de :

  • Besoins fonctionnels demandant l’implémentation d’une fonctionnalité dans le produit ou le service ;
  • Besoins émotionnels aspirés par l’utilisateur dans l’utilisation du produit ou service ;
  • Besoins contextuels conditionnées par des scénarios d’usage (environnement, contexte d’utilisation, …).

C’est sur la base de ces expressions de besoin et de leur compréhension que le processus de design va pouvoir orienter la conception dans la bonne direction.

En se concentrant sur les besoins à combler, on évite de focaliser sur les solutions possibles. Le designer cherche à proposer des solutions qui répondent aux besoins tout en tenant compte des contraintes techniques, budgétaires et de fabrication. Les solutions émergent souvent à partir de l'exploration, de la conception itérative et des retours d'utilisateurs.

Pour proposer des solutions innovantes, il faut oser prendre des risques et sortir des sentiers battus. À trop penser solution, on risque de rester dans une zone de confort, en offrant uniquement ce qui est familier et déjà connu. Le designer doit être capable de bousculer les attentes et d'introduire des éléments nouveaux qui pourraient améliorer significativement l'expérience utilisateur.
 

Savoir lire entre les lignes, entendre à travers les mots

L'écoute est un atout inestimable dans la démarche design. Bien au-delà de simplement entendre les mots, elle implique une compréhension profonde et empathique des besoins et des émotions des clients et des utilisateurs. Elle permet également d’inscrire un besoin dans une vision à long terme globale et durable sans se limiter à simplement exécuter et intégrer des demandes sans remise en question de celles-ci. Savoir remettre en cause le cahier des charges, qui souvent est l’amorce de la solution du commanditaire, permet de proposer des solutions innovantes et créatives qui répondent réellement aux besoins des utilisateurs tout en tenant compte des contraintes et des opportunités du projet.

En étant à l'écoute, le designer peut créer des solutions sur mesure, éviter les erreurs coûteuses et maintenir la pertinence dans un marché en perpétuelle mutation pour ainsi contribuer à une conception réussie et durable.

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